Opuscules

PERCEVOIR AU-DELÀ
DE CE QUI EST VU

Exposition du 23 février 2023 au 12 avril 2023

La Maison des gouverneurs, 90 Chemin des Patriotes, Sorel-Tracy, Québec, Canada 

Que ce soit en littérature, en musique, en danse en art visuel ou en toute autre forme que prend l’art, les motifs qui incitent les créateurs à s’engager profondément dans la production d’une oeuvre varient considérablement chez les uns et les autres.  Pourtant, peu importe la discipline empruntée, l’objectif final commun à tous consiste à produire une oeuvre fondée sur une bipolarité; exécution/communication.  Pour que l’oeuvre puisse prendre forme et être signifiante, elle doit de plus s’appuyer sur une codification qui permet l’émergence d’une lecture polysémique.  Cette étape de lecture échappe à l’artiste puisque l’expérience de l’autre contribue à l’édification du sens.  Plus la force polysémique de l’oeuvre est grande, plus elle gagne en intérêt.  Voilà le territoire qu’affronte l’oeuvre peinte de Nicole Mongeon-Cardin.

Lorsqu’un auteur expose son oeuvre celle-ci appartient momentanément à ceux et à celles qui acceptent d’y poser leur regard.  S’enclenche alors un processus de décodification.  Chose remarquable avec une oeuvre d’art, ce processus n’est pas univoque puisque le regard des uns et des autres s’appuie sur des expériences diverses et variables.  Il n’y a donc pas « une » lecture, mais une multitude de possibilités.  C’est ce qu’on appelle la polysémie. Rappelons-le, la codification inscrite dans l’œuvre n’est pas unidirectionnelle.  Le décodage, quant à lui, appartient strictement à la personne qui pose son regard sur l’oeuvre; c’est-à-dire qui en fait l’expérience.

Dans le cas des oeuvres de Nicole Mongeon-Cardin, le code de lecture est le plus souvent inscrit dans la matière elle-même plutôt que dans la figuration.  Le plus souvent on peut y repérer des traces issues du cumul des gestes répétés lors de l’exécution.  Ainsi, la matière se raconte « une» histoire.

À cet effet, la multiplicité des traces texturées et superposées sur le support  donne aussi une densité qui laisse entrevoir une certaine profondeur malgré la planéité de la surface.  À ce titre, l’usage et le choix des couleurs contribuent également à supporter cette idée de profondeur.

Outre l’importance de la matérialité dans les oeuvres de Nicole Mongeon-Cardin, on y retrouve aussi une expressivité surprenante.  Cet aspect surprenant vient du fait qu’elle ne s’exhibe pas à première vue.  La composition ordonnée, la couleur parfois chaude, parfois froide, son traitement ainsi que la gestualité exprimée avec pertinence et retenue forment un tout subjectif très particulier.  En effet, le résultat  de cette stratégie d’expression est inclusif; c’est-à-dire qu’il n’y a pas que l’aspect émotif de l’artiste qui se donne en lecture mais aussi celui du visiteur qui y pose les yeux.  En d’autres mots, les peintures de Nicole Mongeon-Cardin n’imposent pas une lecture unidirectionnelle.  Elles créent plutôt un contexte qui invite les uns et les autres à s’aventurer dans une lecture ouverte.

Marc Mineau, historien de l’art.


LAISSER SE PRODUIRE UNE ILLUMINATION:
L’ESSENCE MÊME DE L’OEUVRE

Exposition solo du 1er au 28 aout 2019
Galerie La Seigneurie – Centre culturel Vanier
Chateauguay
(Québec) Canada

Contretemps
(version longue)

Les tableaux que vous découvrez aujourd’hui poursuivent, avec la même rigueur quasi systématique, une quête de la plus pure expression du langage pictural. Avec pour principal instrument la hachure — l’unité moléculaire de la peinture de Mongeon-Cardin —, ces peintures, qui sont autant d’invitations au recueillement, vous emmènent avec elles quelque part dans l’antichambre de la musique. En proposant une « partition visuelle » ayant la picturalité pour vocabulaire et la trace du geste pour élément rythmique, elles dictent, au gré de leurs pulsations, le récit de votre propre métamorphose.    

À l’instant où, devant vous, tremble cette mince ligne qui perce l’horizon des hachures, où elle se sectionne et disparaît peut-être complètement, un silence tombe sur la toile, et vous aspire. Dès lors, l’espace écartelé vous entraîne vers l’absolument autre. Les formes nouvelles qui surgissent de cette rencontre sont les états in extremis du duel entre l’impulsion et le contrôle, point de tension dont émane cette œuvre qui requiert ouverture et attention pour libérer sa charge sensible.

De la hachure, du coloris pastel ou bien flamboyant et de ce sens de l’organisation caractéristique émanent des vibrations singulières. En effet, chacun de ces tableaux enferme une tonalité de silence particulière, qui vous invite à vous y accorder : celle-ci est parfois feutrée, ou bien généreuse, bienveillante, mais toujours offerte au regardeur — et, dans ses plus récentes expérimentations, cette tonalité se révèle aussi chaude, vibratoire, empreinte de modulations visant d’autres profondeurs, tendues vers l’ailleurs.

Les œuvres abstraites, devant lesquelles vous vous tenez aujourd’hui, réconcilient des oppositions, des dichotomies, des contrastes et rappellent au regardeur, comme autant d’instants fugitifs, l’équilibre recherché dès la première touche du pinceau sur la toile, accompli dans l’union de la tonalité du coloris et de l’intensité du mouvement.

Ce qui tenait de l’ordre certain s’agite ; vous plongez avec Nicole Mongeon-Cardin dans l’échancrure d’où vous extirpez une nouvelle connaissance de vous-même — un autre éclairage. Il ne vous faudra croire en rien d’autre qu’en la suite du monde ; voici autant de pages ouvertes où le geste d’hachurer l’espace signifie voir devant, où chaque inflexion de l’esprit créateur suggère une nouvelle direction pour l’ensemble, une tangente désirée par le tableau lui-même.

La peinture de Mongeon-Cardin rend possible ce degré d’attention et de dénuement donnant lieu à une nouvelle forme d’invention de soi. L’art, tel que la peintre de Sorel nous le rappelle, n’est peut-être qu’une qualité d’amour, une rigueur dans la dévotion à la beauté — une palpitation de vie rendue perceptible — et un hommage à l’équilibre retrouvé.

Julien Lavoie, écrivain.



SILENCE AND SPACE;
A JOURNEY INTO NICOLE MONGEON-CARDIN’S WORK

(version anglaise 18 avril 2019)

From above Mont Saint-Hilaire, I meditate on Nicole Mongeon-Cardin’s work plunging in the rhythmic of horizon made of density and spaces, as if it would come from a music language that she elaborated for over twenty-five years.

There, in front of me, I glance at the spacious fields spotted by varied textures; here a particle of hard wood, further ahead conifers making ilots of green hatches up to the start of another plan; at a few kilometers, hundreds of houses piled in rows, almost identical, generously giving on the river and horizon opening on old villages of the Richelieu Valley and toward Sorel-Tracy far ahead.

Setback

One of the paintings of the production shows a broken line; it is identified 1807-13_2018, should I say divided this manner, according to a rigorous Mongeon-Cardin’s system of classification whose first entries date 1990 year. These coordinates find themselves at the back of over five hundreds productions minutely kept in her basement in Sorel-Tracy where we met for the first time. This black and white is all together a work of rupture and reactualisation of the sens of this painting. On the background, the usual hachures seem to be thrown into disorder by a sudden current whose black lines, white and the discrete red line shows the tangent and the sense that occur.

The plans superimposition and an tormented horizon do not quite inspire a state of calm and suspens as we were used to experiment in Mongeon-Cardin work, but a narrative movement that incites to look at this work in complete change, where each painting in his inner agitation seem to contain what’s coming in the future and the live issue from this same movement.

*

Sitting at a table in a room flooded with lights giving on a coquet back yard, from where we will see later a sky tore by the end of an afternoon sun, we discuss about the twelve painting resting on the ground that connect to what I know from that Sorel’s painter, but that gets away at the same time from the colouring and their charge, and this is an unexpected manner for me. There is also as I dare to say a picture in a small frame resting on shelf where I notice the face of a mental retarded man, whose look reflecting goodness, shows a presence of quality that shows directly in Nicole’s painting at this very moment.

—He is my brother Jacques. He has been with us ever since my parents death. I miss him very much.

The discussion bifurcate, not quite though, and Nicole tells me affectionately of her brother, of his watches collection and humor, and the light he brought in their every day living. I enter Mongeon-Cardin painting with brotherhood for it could be the only issue, art that weaves and entertains human links.

—Jacques, she added, spent his time sitting at the desk moving little miniature cars. He would place them in a way that belongs to him.

—In a way, Nicole herself, as her brother organizes themes and colorings on a scale called canvas.

—You see, I have never seen it this way, but it is pleasant to see it that way.

Fugue

I write these lines to tell about an artist, knowing very well that painting and writing is above all; to admit attention to this truth that skips away and wish incessantly rejoin the light of this giving away; it is to know to love and acknowledge the autonomy of the painting. «To recognize others, it is recognize a hunger. Recognize others, is giving».

My words are as many attempts to stay close to what has touched me that day and continue to affect me. I am not trying to understand anything or whatsoever. I move ahead towards what I am able to see thanks to her and what her painting reminds me of.

*

We go down the basement of her house. All her life story is there meticulously stated in wood structures that fill space. Her forty last years rest in the darkness where it should be revealed unceasingly. This work is very important, of a great coherence that deserve a retrospect to be finally contemplate under daylight.

Every work that she takes from darnes is a testimony of this sobriety typical to her. The six by eight footer paintings as much as the smaller ones tell about the same equilibrium, this search of beauty and destitution that forces me in her work.

To come down here, confirm my questioning about one thing : never has Mongeon-Cardin’s palette, nor has her live energy, her sharpen appetite, have ever determine nor the general movement of her production drawn towards such deepness.

*

The lighting at the edge of the path that bifurcate opens up on unexpected splendours. While crossing the elbow angle of this footpath that spawns among pine trees, I fall carried away on a “bétulaie” where hundreds of trees with their bald bark as paper sits right up in their February whiteness as in many forces that confirm the pure joy that Mongeon-Cardin indicates.

*

«[The art of painting] is the language used to talk to soul, in the shape proper to it, things that are the daily bread of soul that can only be received under this form.»

*

An honest line settle the bouderies of distinct spaces. Silence dominates. When this line that we can see through hatchings becomes more slender, when it shivers or divises up to just about to completely disappear, then the communion set in fire; the gesture is guides with the desire to go towards the other absolute.

*

Recently the oil pastel has found a place — with brio — in Mongeon-Cardin proceeding. This painter who used to work with a pastel palette has introduced, all in control, an airline ambiant ponctuante with hatching, this new medium is for her like an untouched place and get closer to the canvas substance that inflects the hatching to give it a tangent, a line, a direction.

When I lay down oil pastel, it is already very greasy, full of discussion matter ; it is a way to get in touch with the support, also because it is a gesticulation of drawing; it is like a pencil we hold in ours hands. There is even an approach to writing. I have the oil pastel in my hands as if it were a pencil.

I am thinking over again about Jacques, Nicole’s brother, to his picture. The presence of mind that came with my visit at Nicole’s place. I have the strange feeling that it is under his shield that this encounter takes place, between her painting and my words. It is by listening to Nicole, telling me about her beloved brother, that I got closer to the quality of love that reflecs her painting. This exploding tonality intensities in the most recent abstractions; this true relation, pure, brotherhood, that links her to her brother and her art.

Mongeon-Cardin’s painting is the withness of this degree of attention and destitution opening invention space in itself. Our painter’s gift, tells us her way, could only be a quality of love and a compulsory devotion to beauty — this pulsations life made collectible and this instant of lucidity that take us towards the other, when all the rest keep missing.

Emmanuel Levinas, Totalité et infini, Paris, Librairie générale française, 1990.
Vassily Kandinsky, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, Paris, Folio, coll.«essai», 1989.

Julien Lavoie, writer.
April 2019.

Traduction, Jean Guy Cardin.


ZONE HACHURÉE

Exposition solo du 8 mai au 2 juin 2019
Galerie d’art de Québec
L’espace contemporain
(Québec) Canada

Contretemps

Les tableaux que vous découvrez aujourd’hui poursuivent, avec la même rigueur quasi systématique, une quête de la plus pure expression du langage pictural.  Avec pour principal instrument la hachure — l’unité moléculaire de la peinture de Mongeon-Cardin —, ces peintures, qui sont autant d’invitations au recueillement, vous emmènent avec elles quelque part dans l’antichambre de la musique.  En proposant une «partition visuelle» ayant la picturalité pour vocabulaire et la trace du geste pour élément rythmique, elles dictent, au gré de leurs pulsations, le récit de votre propre métamorphose.

À l’instant où, devant vous, tremble cette mince ligne qui perce l’horizon des hachures, où elle se sectionne et disparaît peut-être complètement, un silence tombe sur la toile, et vous aspire.

De la hachure, du coloris pastel ou bien flamboyant et de ce sens de l’organisation caractéristique émanent des vibrations singulières.  En effet, chacun de ces tableaux enferme une tonalité de silence particulière, qui vous invite à vous y accorder.

Ce qui tient de l’ordre certain s’agite;  vous plongez avec Nicole Mongeon-Cardin dans l’échancrure d’où vous extirpez une nouvelle connaissance de vous-même —  un autre éclairage.  Il ne vous faudra croire en rien d’autre qu’en la suite du monde;  voici autant de pages ouvertes où le geste d’hachurer l’espace signifie voir devant, où chaque inflexion de l’esprit créateur suggère une nouvelle direction pour l’ensemble, une tangente désirée par le tableau lui-même.

L’art, comme la peintre de Sorel nous le rappelle, n’est peut-être qu’une qualité d’amour, une rigueur dans la dévotion à la beauté — une palpitation de vie rendue perceptible —  et un  hommage à l’équilibre retrouvé.

Julien Lavoie, écrivain.


REGARD SUR UN LANGAGE PLASTIQUE

Du 15 au 20 septembre 2015
Exposition en duo avec l’artiste Turcot
Galerie d’art de Québec
L’espace contemporain
(Québec) Canada

L’art abstrait se traduit par une vision intérieure et suscite une interrogation chez le regardeur. Si celui-ci se soumet à une réflexion lors de la lecture d’une œuvre, il sera en mesure de découvrir l’invisible. Le spectateur se doit d’y trouver une signification en se référant à son expérience personnelle, à ses connaissances générales et sa connaissance artistique ; sa lecture sera différente selon le point de vue faculté de connaitre (avec la faculté de juger), la faculté du sentiment (l’union de l’âme et du corps) et la faculté du désir (appelé volonté si déterminé par des concepts).

L’art figuratif traditionnel qui reflète une transmission réelle telles qu’apparaissent les choses est facilement plus « lisible » que l’art abstrait qui se définit par son éloignement du réel qui désigne un savoir et un savoir-faire de « Ordre de la pensée s’opposant à la routine. Une peinture en soi, est une forme de langage et de communication visuelle, un vocabulaire qui atteint une certaine profondeur et l’artiste est l’instrument d’une vérité qui se met en œuvre. Ainsi l’œuvre d’art, selon Kant, est le produit d’une intention et non un objet créé pour être beau. Elle doit sa forme à la pensée préalable. Le langage plastique qui s’éloigne de la transcription d’une réalité parait indéchiffrable si on se réfère à une analyse plus traditionnelle. Mais, le regardeur peut quand même y trouver un sens qui lui est propre s’il se réfère aux éléments plastiques qui lui sont familiers tels; la forme, la ligne, la couleur, le point, le volume, le motif, la représentation de l’espace, le rythme, le mouvement, la symétrie…etc

L’œuvre d’art peut définir un plaisir subjectif à son regardeur et peut aussi être l’interdiction d’un jugement de valeur pour ne voir qu’un objet historique et « culturel » selon Kant ou Merleau-Ponty.

Nicole Mongeon-Cardin
Artiste en arts visuels et historienne de l’art
Sorel-Tracy (Québec) Canada

Source : LACOSTE, Jean, Que sais-je ? La philosophie de l’art, Presses Universitaires de France, Paris, 1981, 127 pages.


ZONE D’EXPRESSION

Exposition solo du 2 au 28 mai 2013
Bibliothèque Greenfield Park, Longueuil
(Québec) Canada

Percevoir d’une manière différente

L’art désigne un savoir-faire réfléchi et raisonné qui s’oppose à la routine, tandis qu’une œuvre d’art est le produit d’une intention, et non un objet créé pour être beau, selon Kant. Elle doit sa forme à une fin qui est le résultat d’une pensée avant que celle-ci ne soit réalisée.

Heidegger révèle que l’origine de l’œuvre d’art est dans le travail de l’artiste. Donc, l’art est l’origine de l’œuvre et de l’artiste. Elle est d’abord une chose qui se veut une matière qui a une forme et celle-ci est révélée par cette matière dont elle est composée. Elle est, avant d’être objet, une vérité et un témoignage, elle incarne une civilisation.

En tant que regardeur d’une œuvre nous avons le plaisir d’énoncer l’expression d’un choix personnel qui se traduit par la définition d’un goût. Le goût est la faculté de juger le beau, il est un jugement esthétique et s’oppose au jugement « logique » au jugement de connaissance, car il se rapporte à ce qu’il a en nous de plus individuel. Dans le goût, le sujet ne porte donc pas de jugement sur l’objet, il dit comment il est « affecté » par une représentation. Mais on découvre alors qu’il existe un plaisir qui n’est pas liée à la représentation de l’existence de cette chose. Selon Kant, le jugement esthétique ne constitue pas une connaissance objective et ne porte que sur les rapports de la représentation et du sujet. Il est considéré comme valable pour tous. Il nous révèle une universalité subjective qui sépare définitivement le beau de l’agréable. Un jugement esthétique qui révèle des sens reste subjectif. La beauté est définie comme « la forme de la finalité d’un objet, en tant qu’elle est perçu en celui-ci sans représentation d’une fin ». Kant, malgré son interprétation trop subjective, a mis en évidence l’essence du beau ; la réconciliation de l’esprit et de la nature. Le beau est une idée et l’idée n’est pas une représentation abstraite, c’est l’unité d’un concept et de la réalité, le concept étant l’âme et la réalité étant l’enveloppe physique. (Lorsqu’on a cessé de juger au nom du goût pour percevoir la profondeur et la délicatesse de l’inspiration, combien d’œuvres se sont vivifiées qui semblaient mortes! Hourticq, Hist. Art, Fr., 1914, p. 380.)

L’art, au sens général est au cœur de la définition de la beauté et du goût, puisque le jugement esthétique a pour principe la finalité formelle. Il s’oppose à la nature, mais en tant que pouvoir, en tant qu’il suppose une habileté, il se distingue aussi du savoir et de la science. En tant que représentation, contemplation par un regard pur, il répond en fait à une sorte d’appel inconscient de la volonté. Il est une des manifestations de l’esprit, un intérieur qui cherche à s’extérioriser, un contenu qui cherche une forme, un sens qui veut se rendre sensible, une substance « complaisante » qui se manifeste.

Nicole Mongeon-Cardin
Artiste en arts visuels et historienne de l’art
Sorel-Tracy (Québec) Canada

Source : LACOSTE, Jean, Que sais-je ? La philosophie de l’art, Presses Universitaires de France, Paris, 1981, 127 pages.


SIGNES GRAPHIQUES

Exposition solo du 14 au 19 juin 2011
Galerie d’art de Québec
L’espace contemporain
(Québec) Canada

Énoncés paysagistes ou scriptes visuels, les œuvres de Nicole Mongeon-Cardin nous font voyager dans un univers visuel aux frontières de l’abstraction et de la figuration. Prédominante, la notion de paysage s’infiltre en essence dans le processus créatif de l’artiste, donnant forme à des vues aériennes, imaginaires, lointaines ou macroscopiques. À l’intérieur de celles-ci des éléments géométriques se glissent dans l’organicité des compositions créant une tension qui fait écho à l’infiltration de lieux naturels par l’humain. La répétition du geste s’inscrit comme fil conducteur de l’ensemble des œuvres. Traits, hachures, rainures, minces ou bien portantes, s’accumulent et s’organisent à l’horizontal, à la verticale ou en oblique. De cette juxtaposition de lignes émerge une certaine impatience, une fébrilité, comme si la main de l’artiste fouillait la matière dans un désir d’organisation du désordre, de l’expression d’une impulsion de vie et dans cette quête, inventait des paysages abstraits, des récits, des gestuelles. Les couleurs, de ton pastel, accentuent l’atmosphère poétique qui émerge de l’ensemble et les quelques éléments de collage ramène l’œil à la surface, à la finalité de la matière sur laquelle l’œuvre prend corps. Parfois, le paysage fait place à l’alignement de lettres cursives, fauchées et réassemblées en désordre, développant un rapport étroit avec l’écriture, non pas comme langage mais en tant que mouvement calligraphique.

Par la mise en espace de lieux au cœur du non-lieu, d’enchaînements de lettre sans message, les œuvres de cet artiste déstabilisent notre notion du réel et nous invitent à sentir par le regard.

Hélène Brunet-Neumann
Artiste et critique d’art
(Québec) Canada

Originaire de SOREL-TRACY en Montérégie, Nicole Mongeon-Cardin compte plusieurs expositions tant individuelles que collectives. Co fondatrice du Centre d’artiste le CEG (1990-2005), elle reçoit un certificat d’honneur de l’Assemblée Nationale du Québec pour souligner son apport aux activités de ce Centre (2003). Elle est aussi récipiendaire du Premier prix du jury au Musée d’Art de Mont-Saint-Hilaire catégorie dessin, estampe, technique mixtes (1998).


UNE NATURE TRANSPOSÉE

Exposition solo du 2 octobre au 5 décembre 2010
Biophare, Institution muséale, Sorel-Tracy
(Québec) Canada

Nicole Mongeon-Cardin présente au Biophare, Institution muséale située à Sorel-Tracy, du 2 octobre au 5 décembre 2010, une exposition intitulée « Une nature transposée ».

Les peintures de Nicole Mongeon-Cardin ont ceci en commun qu’elles nous replongent dans des formes esthétiques issues de l’art moderne. Les questions plastiques soulevées par le travail de l’artiste s’inscrivent en effet dans un courant très 20e siècle de la peinture. Nettement influencées par des approches picturales autant américaines qu’européennes, ces peintures, toutefois, s’en distinguent tout aussi nettement. Comme ce fut dramatiquement le cas de l’art abstrait, les composantes subjectives de la peinture cèdent la place aux composantes objectives. L’objet peinture constitue à la fois le sujet principal et la matière première du travail de l’artiste. La peinture existe donc pour et par elle-même. Voilà donc les prémisses des œuvres de Nicole Mongeon-Cardin.

Les artistes ont ceci en commun qu’ils cherchent constamment à créer leur propre langage. Au fil des années, ils élaborent un lexique personnel et unique à partir duquel les œuvres prennent vie. Le travail de Nicole Mongeon-Cardin s’intéresse particulièrement à ce processus. La question essentielle qu’il pose consiste à savoir comment et pourquoi un tel langage peut prendre forme. Contrairement au linguiste qui s’intéresse aux langages des autres, Nicole Mongeon-Cardin s’intéresse exclusivement à celui qu’elle élabore en tant qu’artiste. Elle est, en fait, son sujet d’étude. On peut certes dire qu’il s’agit là d’un travail rigoureux, méticuleux et passionné.

Marc Mineau,
Historien de l’art et Directeur général
Biophare, Institution muséale
(Québec) Canada

Nicole Mongeon-Cardin a participé à la fondation du Centre d’exposition des Gouverneurs en 1989. Elle a exposé ses œuvres à de nombreuses reprises, soit en solo ou en groupe. Elle possède un baccalauréat en arts visuels et un autre en histoire de l’art.


UNE ÉCRITURE GESTUELLE

Exposition solo du 7 mars au 30 mai 2010
Maison Paul-Émile Borduas, Mont-Saint-Hilaire
(Québec) Canada

L’univers pictural de Nicole Mongeon-Cardin ou l’abstraction révélée

La peinture abstraite de Nicole Mongeon-Cardin nous rappelle que l’art visuel possède son propre langage. Qu’il a une grammaire dont les fondements reposent sur une perception spatio-temporelle. À travers une grande spontanéité, simplicité et épuration de vocabulaire, la série de tableaux proposée ici, rassemble un corpus d’œuvres dont les éléments essentiels sont la couleur, la forme, la texture, la dimension et l’orientation. Toutes ces composantes s’articulent en des propositions dont plusieurs se retrouvent dans un contexte spatial de familiarité tant sur le plan expressif que celui du contenu. Ainsi, le langage pictural de l’artiste interpelle le regardeur dans un va et vient continu entre le fond et la forme et entre la profondeur et la surface. Cette dynamique se réclame d’un art informel mettant en place des compositions qui ramènent la peinture à son support en lui conférant toute sa gestualité et sa matérialité.

Sur le plan expressif, pour la plupart carrés, les formats de ces tableaux retransposent l’idée du cadre quand celui-ci n’est pas réitéré à l’intérieur de la peinture elle-même. Quant aux tableaux rectangulaires, bien qu’abstraits, c’est une notion de paysage qui semble en émerger. Une nature abstraite créée par des axes de développement verticale et horizontale. Ces effets visibles sont accentués par la gestualité et le rythme tracés sur la toile. Sur le plan du contenu, le spectateur remarquera parfois des signes rappelant ceux de l’écriture ou des motifs rudimentaires de formes circulaires ou ovoïdes.

Retransposée, la nature est omniprésente dans le travail de Nicole Mongeon-Cardin. Un univers paisible et discret qui tente de représenter un autre réel menant à une réflexion fondamentale sur la perception de cette nature et celle de la peinture elle-même.

Sonia Pelletier
Critique d’art et commissaire indépendante
Montréal (Québec) Canada


UNE ÉCRITURE FRAGMENTÉE

Exposition solo du 24 octobre au 11 novembre 2006
Galerie Gora, Montréal
(Québec) Canada

Soreloise, Nicole Mongeon-Cardin ne peut ignorer ce paysage dans lequel elle vit, au confluent de la rivière Richelieu et du fleuve Saint-Laurent. Cette immensité du ciel et de l’eau se retrouve dans sa peinture. Il y a dans ce travail, une volonté affirmée de construire un espace, qu’organisent les différents plans.

Cependant, ce qui surprend le plus dans ses tableaux, réside moins dans la tonalité extrêmement juste que dans la manière délicate de poser les touches, aussi nuancée que peut l’être la frappe d’un pianiste sur son clavier: par quelques infimes variations d’épaisseur, ou de densité de la pâte, Nicole Mongeon-Cardin compose un espace parfaitement cohérent. Tout simplement en variant la charge de peinture au bout des soies.

Sont toujours présentes, les tonalités froides d’une peinture qui réussit le paradoxe de concilier une matière épaisse et l’indication nette des frottis et des transparences. Dans certains tableaux, la brosse joue un rôle actif, créant avec la peinture diluée un effet de balayage horizontal, de va-et-vient qui évoque des vagues. Dans d’autres, on retrouve des attributs formels: bâtonnets qui ne sont que des rectangles étirés, couleurs qui palpitent entre les plages de gris, parfois, à l’horizontale, un léger rehaut de pâte suffit à signaler un premier plan, et, par conséquent, à organiser l’étagement de l’autre ou des autres.

Mais, quelles que soient les dimensions, la peinture est posée avec la même franchise, et on retrouve dans les petits formats de Nicole Mongeon-Cardin l’autorité du geste qui construit les plus grands tableaux. Le peintre se révèle parfaitement à l’aise dans ces tableaux miniatures, mais non dénués d’une apparente monumentalité, peut-être due à une superbe économie de moyens.

Une extrême simplification des signes, un allègement des empâtements de matières sensuelles vers une transparence raffinée de la couleur, une recherche intense des tensions plastiques entre les formes, voilà ce qui qualifie l’œuvre de Nicole Mongeon-Cardin.

Hedwidge Asselin
Historienne et critique d’art
Commissaire indépendante
Montréal (Québec) Canada


A Fragmented Way of Writing

Solo exhibition from 24 october to 11 november 2006
Galerie Gora, Montréal
(Québec) Canada

Native of Sorel, Nicole Mongeon-Cardin just can’t ignore the landscape in which she lives, at the junction of the Richelieu and Saint-Laurence rivers.  The immensity of the sky and the water can be felt in her painting.  You can find in her work the strong will of creating a space, organized on different plans.

However, what surprises the most in her paintings, resides less in the extreme tonality than the delicate manner in which she uses to set her touches as slightly different as the stroke of a pianist on his key-board :  by some tiny variations of thickness, or paste density.  Nicole Mongeon-Cardin creates a perfect coherent space, simply in changing the layer of paint at the tip of her brush bristles.

What you always find, are the cold tonalities of a painting that succeed in conciliating the paradox between a thick matter and the clear indication of  the colour scumble and their transparencies.  In some of her paintings, the brush plays an active role, creating with the dilute paint the impression of a horizontal sweeping of a back and forth movement evoking waves.  In other works we find formal attributes:  little sticks that are just stretched rectangles, colours that beat in between the grey spaces,  at times on the horizontal appears a light paste retouch bringing out the highlights of the picture, and consequently organizing the gradual rising of the other or the others.   

But, no matter the dimensions, the painting is set with the same boldness of style and we can recognize in the smaller size pictures of Nicole Mongeon-Cardin the authority of the gesture that creates the largest paintings.  The painter is perfectly at ease with these miniature paintings, without destituting the monumental appearance, may be due to a superb economy of mains.

An extreme simplification of signs, a relief of the fleshiness of sensual matters towards an oversubtle transparency of colours, an intense research of plastic tensions between the shapes, this is what mainly qualify the work of Nicole Mongeon-Cardin. 

Hedwidge Asselin
Historienne et critique d’art
Commissaire indépendante
Montréal (Québec) Canada


ÉCHO PICTURAL DE LA NATURE

Exposition solo du 13 avril au 18 mai 2003
Centre d’exposition des Gouverneurs, Sorel-Tracy
(Québec) Canada

La nature : une immensité de détails picturaux

Depuis l’avènement de la société moderne du travail, les gens ont délaissé la campagne pour bâtir leur vie dans la ville. Une ville sans merci où les semaines de travail très remplies se suivent les unes après les autres. Ce rythme de vie devient de plus en plus fou, amenant avec lui les problèmes liés au stress. En ces temps où la campagne et la nature sont synonymes de calme et de repos, les œuvres de l’exposition « Echo pictural de la nature » de Nicole Mongeon-Cardin nous oblige à prendre le temps d’observer la nature en dirigeant notre regard sur des œuvres abstraites dont les textures et les couleurs nous rappellent ses infimes détails ou ses traits plus généraux lorqu’elle est observée à vol d’oiseau.

Dans ses œuvres, la texture de la peinture et des autres matériaux qu’elle y intègre telle que le sable, les clous, le tissus, la corde ou le plâtre cherchent à rappeler l’effet visuel et sensoriel de la nature, c’est-à-dire les vagues de l’eau, les crevasses d’un tronc d’arbre, le sol sablonneux, les brindilles d’herbe se faisant balloter par le vent, etc. D’ailleurs les toiles sont souvent divisées pour laisser la nature s’exprimer de façon figurative par le biais de photos alors que dans une autre section de l’œuvre l’artiste montre sa vision picturale de la nature. Cette présence se montre doublement puisque Nicole Mongeon-Cardin laisse les dégoulinures se tracer sur le tableau et permet aux touches de s’exprimer ce qui donne peu de place à la peinture en aplat, elle imprègne donc la nature pure de la créativité humaine.

Comme son œuvre s’inspire de la tradition moderniste et contemporaine, les cadres sont absents. Toutefois elle cherche à diriger le regard du spectateur par des cordes entourant la toile ou de la peinture accumulée sur les contours. Ce procédé cherche à diriger le regard du spectateur pour le forcer à observer la beauté de la nature mais aussi pour qu’il réalise son immensité. D’ailleurs les tableaux ont été exécutés sur des toiles de grand format pour accentuer l’effet de la grandeur de la nature par rapport à la petitesse de l’Homme.

Les couleurs utilisées rappellent aussi les couleurs présentes dans la nature. Par contre l’artiste ne cherche pas absolument à associer les couleurs avec la réalité. La couleur sert plutôt à donner l’ambiance à l’œuvre et rappeler les nombreuses couleurs qui peuvent être présentes dans la nature, et ce, de façon différente à chaque saison. La ligne s’inspire aussi des mouvements des éléments de la nature : elle peut être fine et douce comme le vent d’été mais aussi rêche et grossière comme les tempêtes en hiver. Cette ligne se présente de façon isolée ou nombreuse et rythmique. Comme quoi le paradoxe est aussi présent dans la nature qui n’est pas toujours luxuriante mais peut être aussi désertique !

Ainsi les œuvres de Nicole Mongeon-Cardin axent le regard du spectateur sur les nombreuses caractéristiques et qualités de la nature et le force à s’arrêter, ce qui rappelle par le fait même ses vertus calmantes et relaxantes. Par son importance dans le développement de l’Homme elle démontre la nécessité du contact avec la nature pour atteindre un certain équilibre, pour prendre le temps de s’arrêter et d’observer l’espace grandiose qui nous entoure, ce qui est de plus en plus négligé dans la société actuelle au profit de la vie stressante qui se déroule à toute vitesse.

Marjorie Godin
Historienne de l’art, Université du Québec à Montréal
Montréal (Québec) Canada
Avril 2003


RÉFÉRENCE AU PAYSAGE

Exposition solo 2002
Hall des Arts
l’Hôtel de ville de Brossard
(Québec) Canada

Une ouverture sur le paysage

L’exposition de Nicole Mongeon-Cardin, Référence au paysage, présentée au Hall des Arts de l’Hôtel de vile de Brossard, propose des œuvres uniques où s’entremêlent des éléments naturels avec les techniques traditionnelles artistiques.  L’artiste nous présente des œuvres rappelant à la fois la diversité et la délicatesse de composants végétaux :  les tracés sont souvent fins, linéaires et répétitifs, comme si elle voulait faite naître en nous l’idée d’une nature abondante et bienfaisante.

L’application directe de matériaux qui ne sont pas issus d’une production humaine vient quelque peu enlever l’idée de la production même de l’œuvre.  Le bois, le sable, des rochers ;  tous ces éléments rendent une force caractéristique aux créations de l’artiste.  L’application, dans certains cas, de photographies représentant des espèces végétales vient d’autant plus accentuer l’aspect de réalité présent dans les œuvres.

Cependant, l’artiste ne prétend pas à une représentation absolue de cette réalité ;  la tension entre l’abstraction et l’image nette amène un dynamisme qui anime les tableaux.  Ceux-ci nous interpellent par leur vivacité et l’intensité des couleurs qui s’imposent dans une régularité d’exécution.  L’approche proposée constitue donc une composition frôlant l’abstraction où se retrouvent assemblés des éléments appartenant au monde naturel, issus de l’environnement de l’artiste, et des fragments de peinture appliqués sur un support sans cadre.  La régularité des thèmes représentés indique au spectateur une possibilité d’extension visuelle au-delà des délimitations de la toile.

Le cadrage, souvent carré, mais quelquefois allongé, devient en quelque sorte une brèche, une ouverture sur le paysage et sur la réflexion.  L’ingéniosité du rendu vient de cette capacité à proposer des toiles où on retrouve des traits élancés, schématisés, mais en évoquant un autre espace plus grand que les délimitations présentées à l’œil.  Le cadre, dans la plupart des cas, n’existe plus ;  cette discrétion amène une toute nouvelle réflexion sur la technique proposée.

L’exposition de Nicole Mongeon-Cardin est fort intéressante du point de vue stylistique  En effet, Référence au paysage mérite une attention particulière.  En prêtant attention aux pigments et à leur disposition sur la toile, il est possible de reconnaître une série de repères issus de notre mémoire.  Prenons l’exemple des toiles qui sont réalisées avec un fond sombre ;  le flou de l’environnement des composants du premier plan, mis en valeur par leur réalisme camouflé évoque la manière de faire des romantiques. 

Ceci constitue évidemment une réflexion personnelle, mais ne croyons-nous pas que les œuvres parlent différemment seon le spectateur ?  C’est à chacun de juger et de voir de quelle manière les créations l’interpellent et comment elles s’inscrivent dans la représentation de la réalité. 

Marlène Rousseau
Université du Québec à Montréal
Étude des arts
Le 20 janvier 2002


ENTRE LE NOIR ET LE BLANC

Exposition solo  du 28 mars au 22 avril 1995
Centre des Arts Contemporains du Québec à Montréal
4247, rue Saint-Dominique, Montréal, H2W 2A9
(Québec) Canada

Entre le noir et le blanc, c’est le titre de l’exposition de Nicole Mongeon-Cardin.  La préposition « entre » indiquant un intervalle, une relation, une réciprocité, l’artiste a visé juste.

Les œuvres de Mongeon-Cardin, doivent donc se visionner globalement, l’exposition elle-même est œuvre d’art comme un film, un concert ou un ballet.  Il faut dans un premier temps se laisser interpeller par ces objets qui étonnent tant ils sont à la fois différents et étrangement similaires donc unifiés.

Cette unité émerge de la présence d’un seul élément plastique :  la texture sur la toile vierge ou du bois lisse.  Mongeon-Cardin occupe les espaces avec du plâtre distribué, trituré, rayé ou gratté avec soin, rien n’est laissé au hasard.

Sur cette charpente rugueuse l’artiste étale des noirs, des blancs et plusieurs nuances de gris.  Elle y colle des plaques d’aluminium ou de papier qui encadrent des cercles pour ne pas dire des soleils.

De l’ensemble émane une impression de distinction et de bon goût.  Tout est ordre, calme, beauté et volupté comme a dit le poète.  C’est le contrôle de soi à l’état pur.

Contrôle de soi?  Pas si sur!  Remarquez comme l’artiste s’y prend pour attaquer notre espace (celui du spectateur) en laissant des bouts de corde dépasser le cadre des œuvres.  Ces cordes nous provoquent, nous agacent comme le ferait un cheveu ou un cil vis-à-vis l’œil.  Puis arrive la surprise.

Comme si l’artiste n’en pouvait plus de vaguer entre ces noirs, ces gris et ces blancs cassés, elle nous lance en pleine figure un beau grand tableau rouge à la texture rouge qui exhibe un énorme soleil également rouge.  Quel point d’orgue!

Tous ces éléments forment des ensembles et sous-ensembles qui s’ouvrent sur des interprétations multiples :  esthétiques, personnelles, sociologiques à nous de choisir.

Ceci dit, force nous est d’admettre que Nicole Mongeon-Cardin nous en met plein la vue pour notre plus grand plaisir. 

Louis Belzile, plasticien, 12 mars 1995


DONNER DU SENS À LA MATIÈRE

Exposition solo – février 1997
Centre d’exposition des Gouverneurs, Sorel-Tracy
(Québec) Canada

L’exposition “En toute liberté” retrace les trois dernières années dans la production picturale de l’artiste soreloise Nicole Mongeon-Cardin.  Une vingtaine d’oeuvres exécutées entre 1994 et 1997 occupent la deuxième et troisième salle du Centre d’exposition des Gouverneurs.

Le travail de Mongeon-Cardin s’inscrit dans le très vase courant de l’abstraction où sont privilégiés matières, couleurs et formes.  Les oeuvres présentées pour l’occasion témoignent certainement d’une volonté de l’artiste d’explorer la matière, celle qui retient le geste, le cristallise à jamais et ce, par l’intégration de matériaux non proprement picturaux.  Mongeon-Cardin mélange plâtre ou sable à ses couleurs lui permettant code créer des empâtements sur la surface qu’elle peut ensuite façonner verticalement ou horizontalement.  Chaque bande de matière ajoute un élément tactile à la toile, laisse une certaine épaisseur qui vient jouer dans l’espace  de perception du spectateur.

Ce travail dans la matière passe aussi par la gestualité affirmée de l’artiste.  Dans la série 9509-27, les traits de pastels sont apparents, trient les surfaces, Mongeon-Cardin intensifie ses gestes dans ce qu’elle qualifie de “crazy work” ou chaque mouvement fait s’entrecroiser les traits de couleurs sans point de repère fixe.  Le même effet est produit dans 9701-01, où la soustraction d’acrylique sous forme de grattage prend de l’ampleur et devient l’élément central de l’oeuvre.

Nicole Mongeon-Cardin démontre une continuité dans sa démarche, ce qui permet au spectateur de faire les liens qui s’imposent.  C’est que nous sommes en présence d’éléments qui agissent comme des fils conducteurs entre chaque oeuvre. En ce sens, nous pouvons voir que la prédominance de l’aluminium, qu’il soit carrément utilisé tel quel pour ses qualités plastiques ou qu’il soit intégré dans la matière même par l’utilisation de la couleur argent, revient sporadiquement.  Certaines formes simples (le carré, le cercle, le rectangle) ou architecturales (l’arche) reviennent d’une oeuvre à l’autre créant un pont entre elles.  L’ajout de cordes joue le même rôle et assure un lien physique entre l’oeuvre et le spectateur.  Ces différentes répétitions d’éléments montrent que l’artiste crée son propre vocabulaire formel qu’elle intègre d’une production à l’autre.

La récurrence des motifs, des effets et de l’intégration de différents matériaux démontre une volonté de poser un geste, de s’affirmer en tant qu’artiste tout en donnant au spectateur la possibilité de faire une lecture de l’oeuvre.  En fait, Nicole Mongeon-Cardin poursuit le même but;  laisser une trace tangible dans la matière. 

Manon Tourigny
Historienne de l’art


NICOLE MONGEON-CARDIN

Exposition collective, février 1997
Centre d’exposition des Gouverneurs, Sorel-Tracy
(Québec) Canada

C’est dans le bureau de ma future patronne, lors d’une entrevue pour obtenir un emploi, que j’ai découvert Nicole Mongeon-Cardin.  Mon attention se partageait entre les légendaires questions de l’employeur et le tableau, seul élément décoratif de la pièce. 

Au début de la rencontre, l’œuvre aux couleurs très sombres, les murs tout blanc et la morne technicalité de l’interrogatoire standardisé semblait semblaient s’harmoniser à merveille.  Pourtant, en y regardant plus attentivement, le tableau se dissociait de ce décor d’ambiance, de lui seul, rayonnait une certaine animation, une certaine vie.  Sans trop m’en rendre compte, j’ai du interrompre momentanément la directrice pour lui demander de qui était cette œuvre.  « De Nicole Mongeon-Cardin », me répondit-elle…

Après avoir été embauché, j’ai souvent eu l’occasion de revoir cette peinture.  Je suis toujours resté partagé devant cette œuvre non pas au niveau de sa qualité, moins encore à propos de l’intérêt suscité mais plutôt, de la lecture que moi j’en faisait.

On traduit souvent le sombre par l’austérité, la tristesse; on l’associe souvent à la sévérité, à l’austérité, au « sans vie », mais, je n’arrivais pas à limiter mes impressions à cette lecture qui selon moi, était trop évidente, trop facile.  Il s’y trouvait autre chose, comme en latence, à peine perceptible au premier regard mais, dont je ne pouvais faire abstraction.  Je me surprenais à renoncer à mes standards établis en matière de couleur et même, à me voir contraint de les remettre en question.  Je savais qu’il me fallait, non plus m’arrêter à ces teintes mais, regarder bien au-delà.  Ce tableau lui, il était vivant, ne fut-ce que par le rayonnement de l’énergie créatrice de son créateur encore présente dans l’œuvre.

Deux ans plus tard, soit dernièrement, participant à l’exposition de ses collègues artistes et administrateurs du Centre, Nicole Mongeon-Cardin en a surpris plus d’un en nous proposant une installation fort pittoresque.  Elle y traitait des élévateurs à grain de Sorel.

Ce qui constituait pour moi l’élément principal de son projet, un tableau qui, à première vue, était très différent de celui dont je parlais plus haut.  Le premier était sombre, ce deuxième presque tout de blanc.  Au bas de la toile, des silhouettes au tracé fin évoquaient les silos à grain du port fluvial.  Une scène que tout bon Sorelois connaît très bien mais ici, vue comme dans un rêve, filtrant discrètement d’un rideau diaphane ou d’un brouillard finissant.

Comme tous les artistes dignes de ce nom, Nicole Mongeon-Cardin ne cessera jamais d’évoluer.  Elle poursuit sa recherche, précise sa pensée, affine son style ;  elle affirme son art.  Comme tous les artistes dignes de ce nom, elle n’en demeurera pas moins très personnelle dans son traitement et dans cette deuxième rencontre avec l’une de ses œuvres, je la retrouve facilement malgré le mouvement évolutif normal de son art.  La ressemblance ente les deux œuvres réside dans la continuité de cette façon bien à elle de s’exprimer avec discrétion mais non sans un tantinet d’équivoque.  En même temps qu’elle explique sans parler de tout, elle présente mais n’épuise pas le sujet ou le thème de sa recherche.  Elle nous ménage déjà dans une œuvre l’interrogation qui nous poussera vers l’autre.

L’œuvre que je lui connais, tient à mon humble avis de la charade qui nous donne des indices et nous invite à chercher davantage.  Parce qu’elle affirme, il nous reste à expérimenter, à trouver, à nous prononcer… Encore une fois, une artiste qui a choisi l’art actuel comme mode d’expression, nous convie à une séance interactive en plus de nous offrir le ravissement de l’art.

Mario Letendre,
coordonnateur du CEG (Centre d’exposition des Gouverneurs)
Février 1997


LE TEMPS D’UNE PAUSE

Exposition solo 1993
Centre d’exposition des Gouverneurs, Sorel-Tracy
(Québec) Canada

Vous savez, certaines peintures sont un peu comme des musiques à voir.  Serait-ce le cas de celles de Nicole Mongeon-Cardin? Peut-être, mais…n’allons pas trop vite voulez-vous…

Car après-tout, qu’est-ce au fond que de la musique?  Des sons structurés en rythmes et en harmonies, du mouvement sonore plus ou moins rapide, de mélodieuses consonances qui nous bercent ou encore de discordantes vibrations qui nous enveloppent dans un étrange sentiment d’inquiétude, d’angoisse.  Tout cela c’est de la musique.  Et elle produit sur nous un certain effet, un effet certain.

Et, vous savez, à un certain degré et lorsque nos façons de voir de tous les jours prennent la figure d’une habitude un peu lourde, il se trouve un moment où la peinture peut aussi provoquer un tel effet.  Le temps d’une pause…

Car après tout (encore une fois), qu’est-ce que de la peinture?  Des pigments de couleur structurés en formes et en variations tonales et chromatiques, du mouvement visuel plus ou moins rapide, de doux dégradés ou de subtiles transparences qui (elles aussi) nous bercent, ou encore de violents contrastes qui nous saisissent en un réel sentiment de vertige que l’oeil ne peut soutenir qu’un certain temps.  Tout cela fait partie de la peinture.

Mais il y a plus…pourtant bien plus.  Ils y a toutes ces questions!…

On ne questionne pas la musique en l’écoutant (on devrait peut-être).  Car en l’entendant, on la perçoit déjà pour ce qu’elle est; des sons.  Ils sont incontournables.  Tout autre semble être le cas de la peinture. En effet, la vue est peut-être celui de nos sens que nous utilisons le plus.  Et, fort de cette habitude, à force de recevoir quantité d’informations visuelles, on oublie souvent de se demander ce qui fait que les choses nous apparaissent comme elles sont, nous apparaissent tout court.  Voyez-vous, la peinture est le lieu d’un tel questionnement.  Le lieu où,  le temps d’une pause, on peut enfin s’extraire de l’habitude un peu trop lourde de nos façons de voir de tous les jours; de tous ces jours où nous ne voyons pas très bien ce que nous voyons…

Faire un parcours, du corps, d’oeuvre en oeuvre, de l’oeil, de plages colorées aux différentes épaisseurs de la pâte. C’est ce qu’il s’agit de faire, librement et sans contraintes.  Il faut savoir se donner de tels moments où la sensibilité s’étire et s’éveille à l’aurore d’inhabituelles questions;  pourquoi du sable est-il mélangé à la peinture dans certaines toiles?  Et surtout, quelle est la fonction plastique d’un tel élément?  Produit-il seulement une texture plus rugueuse, donne-t-il simplement plus de volume ou encore fait-il plus?  Pourquoi l’artiste a-t-elle tracé ces courtes lignes horizontales dans un tableau où manifestement règne la verticale?  Y a-t-il une forme de contradiction plastique lorsque des traits gestuels et lyriques s’articulent dans un espace pictural qui pourtant est linéairement et rationnellement délimité comme une grille?…

Ces questions ont toutes un sens.  Et un sens précis.  Même si parfois leurs réponses peuvent aller dans plusieurs sens.  Car pas grand chose n’est gratuit dans les gestes posés par l’artiste.  Ce qui toutefois est sûr, c’est que de telles réponses n’ont aucunement recours à la référence poétique.  Si ce n’est à la seule poésie de moyens plastiques eux-mêmes.

Vous voyez bien que je ne vous avais pas menti en vous parlant tout à l’heure de rupture d’avec l’habituel du quotidien. Ce sont bel et bien d’inhabituelles questions que l’artiste nous pose par son travail.  De telles questions ont un très grand intérêt.  Un important philosophe a d’ailleurs déjà écrit quelque chose à ce sujet, je veux dire au sujet de « cet inhabituel qui un jour a surpris l’homme en étrangeté et qui a engagé la pensée dans son tout premier étonnement » (Martin Heidegger).

Merci, et bonne route…

Alain Létourneau,
Montréal, le 19 mars 1993.


  TEMPS DE PAUSE II

Exposition collective du 4 au 30 octobre 1992
Galerie Rouge, Complexe du Canal Lachine, Montréal
(Québec) Canada

Les quatre peintures ici exposées par Nicole Mongeon-Cardin affirment toutes une même volonté; donner à voir des images qui ont pour fonction de susciter une participation du spectateur; de le motiver à prendre à sa charge l’attribution du sens.  On me dira sans doute qu’il s’agit là d’un programme qui est le propre de l’oeuvre d’art et de cela j’en conviendrai sans nul effort de résistance.  Chacun, s’il est le moindrement sensible, ne pourra rester de glace devant l’oeuvre d’art et profiter de son expérience personnelle pour effectuer une lecture de l’oeuvre.  Car l’oeuvre d’art commande un investissement personnel de la part du spectateur pour livrer, par brides, les multiples facettes de ses possibilités.  Sans cet investissement l’oeuvre demeurera silencieuse et rien de sa force latente ne sera délivré.  Patiente jusque dans l’âme, l’oeuvre attendra l’heure où des yeux autres que ceux de l’artiste se poseront sur elle.

Ces peintures de Nicole Mongeon-Cardin portent toutes le même titre; Temps de pause.  En choisissant ce titre unique , Nicole Mongeon-Cardin cherche non pas à qualifier ses peintures mais à susciter l’intérêt du spectateur.  Elle invite le spectateur à prendre le temps de regarder avec délectation des images dont elle a achevé la réalisation.  Mis en présence de ces images le spectateur attentif aura le réflexe de se poser la question à savoir qu’est-ce qui lui est donné à voir?  Ce processus lui permettra premièrement de constater que ces images sont essentiellement faites de pigments colorés mis ou disposés dans un certain ordre et que cette disposition crée une image.  Il pourra ensuite chercher à reconnaître, par association ou par tout autre mécanisme, des éléments qu’il associera non pas à une représentation de la réalité mais à des états, à des sentiments, à des affects, à des images intérieures.

Il se peut alors que ces peintures de Nicole Mongeon-Cardin commencent à lui “dire” quelque chose; qu’il se sente personnellement interpellé par elles.  C’est à partir de ce moment que l’enjeu de ces peintures commencera à se révéler.  Le regarder ne se posera plus la question à savoir qu’est-ce qu’il regarde mais comment il voit?  Le travail sous-jacent à ces peintures l’amènera à se regarder voir.  Ces peintures ne seront plus dès lors des objets que l’on regarde mais des objets par lesquels on se regarde regarder.  Il me semble que les peintures de Nicole Mongeon-Cardin opèrent de cette façon et strictement de cette façon.  Ce n’est pas l’univers de l’autre (l’artiste) qui est à voir mais son propre univers à soi.  Les Temps de pause sont ni plus ni moins que des déclencheurs.  Et pour que cela opère il ne peut en être autrement que par la participation du spectateur;  que par l’intérêt qu’il porte envers sa qualité de spectateur.

Marc Mineau, directeur général du Centre d’artiste le CEG


TEMPS DE PAUSE II

Bulletin des membres CEG (Centre d’exposition des gouverneurs)
Exposition collective 1992
Galerie Rouge, Complexe du Canal Lachine, Montréal
(Québec) Canada

Le travail de Nicole Mongeon-Cardin en est un sur la verticale.  C’est aussi une fusion de la manière et de la perception.  La manière par le choix du moyen et celui de la technique; la perception par la fonction du spectateur qui regarde l’oeuvre.  On peu dire aussi une fusion de la matière par ses éléments; la toile, les supports, les matériaux; sable, etc.

“Elle (n.m.-c.) invite le spectateur à prendre le temps de regarder avec délectation des images dont elle a achevé la réalisation.  Mis en présence de ces images le spectateur attentif aura le réflexe de se poser la question à savoir qu’est-ce qui lui est donné à voir?  Ce processus lui permettra premièrement de constater que ces images sont essentiellement faites de pigments colorés mis ou disposés dans un certain ordre et que cette disposition crée une image.  Il pourra ensuite chercher à reconnaître par association ou par tout autre mécanisme, des éléments qu’il associera non pas à une représentation de la réalité mais à des états, à des affects, à des images intérieures… Les Temps de pause sont ni plus ni moins que des déclencheurs”. (1)

Nicole Mongeon-Cardin nous dit que la mise en géométrie témoigne d’une recherche de l’espace et que la vertical proclame la force et engage à la réflexion.  On peut dire aussi qu’il y a une harmonie par le jeu des surfaces et des teintes.

L’artiste poursuit à propos du spectateur “il retrace les empreintes et en découvre le sens.  Chaque lecture fait revivre l’oeuvre et cela multiplie les sens possibles du message.  Peindre c’est déclencher une réaction c’est un stimulant pour l’imagination et c’est aussi un prétexte à la méditation”.

La peinture de Nicole Mongeon-Cardin va dans un sens où la liberté d’expression prime avant tout.  Et elle ajoute “mes peintures sont dépourvues de toute intention relevant de l’esthétique traditionnelle tout en gardant une résonance affective”. 

Marc Mineau, directeur général du Centre d’artiste le CEG

(1) Marc Mineau pour l’exposition de Nicole Mongeon-Cardin à la galerie Rouge au Complexe du Canal Lachine en octobre 1992.